09/01/2010

Le village de l'Allemand ou Le journal des frères Schiller de Boualem SANSAL

ROMAN PARU EN 2008
Le choix de ce livre s'est fait car on me l'a prêté et conseillé.
Je lui donnerai 9/10.
Quelques mots sur l'auteur : Boualem Sansal est né en 1949 en Algérie. Second d'une famille de 4 garçons, il sera orphelin de père dès son plus jeune âge. Ingénieur de formation, il enseignera alternativement à l'université, et occupera de même la fonction de chef d'entreprise. Ses études et sa brillante carrière l'amènent à devenir docteur en économie et haut fonctionnaire de l'Etat algérien dont il sera limogé par la suite en 2003 en raison de prises de position critique sur l'arabisation de l'enseignement et l'islamilisation de l'Algérie. Lecteur assidu dès sa plus tendre enfance, le jeune homme montre des qualités littéraires assez rapidement et son ami écrivain Rachid Mimouni l'entraîne à se lancer dans l'écriture à son tour. En 1999, il publie son premier roman "Le serment des Barbares" qui sera plébiscité. "Le village de l'Allemand" paraîtra en 2008 recevant de nombreux Prix dont celui de RTL-Lire, Nessim Habif, Louis Guilloux et le Grand Prix de la Francophonie. En 2011, "rue Darwin" est son sixième roman. Boualem Sansal, écrivain reconnu et engagé, vit actuellement toujours à Alger.
RESUME : Malrich Schiller découvre la raison dramatique qui a poussé son frère Rachel à se donner la mort le 24 avril 1996. Ce dernier lui a laissé son journal dans lequel il lui raconte ce qu'il a découvert sur le passé de leurs parents assassinés lors du massacre par le GIA d'une partie du village d'Aïn Deb, près de Sétif. Leur père de son vrai nom Hans Schiller est un ancien nazi, converti à l'Islam sous l'identité de Hassan dit Si Mourad.
MES IMPRESSIONS : Je me suis laissée complètement emportée dans ce roman comme dans un vrai récit.  Il est vrai que j'ai lu que Boualem Sansal s'est inspiré d'une histoire réelle. Il serait allé dans le village de Aïn Deb en 1980 lors d'un déplacement professionnel. A cette occasion, il a appris qu'un allemand, ancien officier SS devenu moudjahid, gouvernait ce charmant village bien entretenu et qu'il en était très apprécié. De là, serait venue cette fiction qui en a fait un livre extrêmement puissant, grave et courageux. La force de ce roman réside dans l'originalité de sa construction et le parallèle entre islamisme et nazisme dont a voulu parler l'auteur. On assiste à une double tragédie entre la mort des parents puis de leur fils aîné. Le dernier survivant doit surmonter et comprendre l'histoire de sa famille pour continuer à vivre. La question qui se pose naturellement à la suite de cette lecture c'est que : Doit-on être responsable du comportement et des actes exécutés par ses parents ou l'un des deux ici ? Doit-on le savoir ? Devrait-on culpabiliser inévitablement ? Dans le livre, j'ai d'ailleurs relevé cette phrase mais je ne sais plus à quelle page : "Tu n'avais pas le droit de nous donner la vie". Oui, lorsqu'on a tué des milliers de personnes, a-t-on le droit effectivement de donner naissance à d'autres personnes ? Il y a dans cette phrase comme une incompatibilité entre les deux phénomènes. Et surtout de se sentir honnête avec sa descendance qui ignore tous ces faits. Incontestablement, l'auteur nous incite à réfléchir sur un problème de fond. Le fait que les parents aient envoyé leurs enfants en France montrent leur volonté de ne pas les mêler à leur passé houleux et crapuleux. Rachel (contraction de Rachid et Helmut) et Malrich (contraction de Malek et Ulrich) seront naturalisés français et ils n'auront plus de lien avec leur famille et par la force des choses ni avec l'Allemagne nazie, ni avec l'Algérie. Plutôt que de se dénoncer, Hans Schiller a préféré commencer une nouvelle vie en fuyant l'Allemagne, en s'installant en Algérie et en se convertissant à une autre religion pour finir par un mariage avec une jeune algérienne. En reniant ainsi ses enfants, il a voulu les sauver mais finalement à quel prix ? Il a sans doute omis de raconter à sa femme sa vie antérieure mais de cela l'auteur n'en parle pas. Je conseille ce roman que j'ai beaucoup apprécié car il interpelle sur un bon nombre de questions existentielles.

2 commentaires:

Clémentine a dit…

Mes impressions sur ce roman sont plutôt mitigées. J'ai mis un peu de temps à vraiment l'apprécier. J'ai trouvé le début un peu long et lourd, je me suis parfois perdue entre le récit de Rachel (au style complexe et recherché) et celui de Malrich (langage plus familier et oral). Cependant, la fin du roman amène beaucoup plus à la réflexion sur la guerre (ou les guerres ?). Seconde guerre mondiale, guerre d'Algérie et montée de l'Islamisme sont mis en parallèle habilement et chacun est invité à tirer ses propres conclusions. Le roman est court, instructif et bien écrit, je le recommande.

Anonyme a dit…

LECTOVORE approuve vos commentaires pertinents. Cela fait un moment que j'ai lu ce livre mais en effet ce dont je me souviens ce sont toutes ces questions qui interpellent sur le comportement des générations qui nous ont précédées et pour lesquelles nous ne sommes pas toujours bien informées et surtout que les nouvelles générations sont irresponsables de ce qu'il s'est passé et qu'il faut parfois assumer. Les écrits restent et l'imprudence de certains qui ont laissé "des traces honteuses" de leurs passés peu reluisants nous amènent à reconstruire l'Histoire avec un grand H et comprendre les conséquences qui nous arrivent après coup. Dans le même genre mais se lit beaucoup plus facilement vous trouverez "Le garçon en pyjama rayé" de John BOYNE. Il y a eu d'ailleurs un film de ce roman qui pourrait être une histoire vraie sur fond du nazisme durant la seconde guerre mondiale. Allez le chercher dans le blog par nom d'auteur, il est paru en 2009. Bonne lecture chère Clémentine et merci pour votre avis qui fait vivre le blog.